Ce qu'il y a de bien à New York, c'est que chaque sortie représente l'occasion de découvrir à la fois un endroit qui déchire et un groupe qui dépote. Bon alors j'avais déjà été au Monkey Town, bar-restaurant-lieu artistique alternatif de Brooklyn, qui, outre une carte très alléchante, propose à ses clients de se sustenter confortablement installés sur des banquettes (oui, c'est possible de manger à moitié allongé, et oui les orgies romaines devaient être plutôt sympathiques) tout en profitant de concerts, projections vidéo sur les écrans couvrant les quatre murs de la salle, ou happenings en tout genre.
Mais ce soir là, le 23 mai dernier, j'y allais pour découvrir Trippers and Askers, formation brooklynite menée par le singer-songwriter Jay Hammond. Leur myspace était un peu avare d'information, mais l'unique chanson, Anna, m'avait charmée. Folk légère et gracile, arrangements délicats, voix aérienne, si le reste du répertoire du groupe était à l'image de cette chanson, le concert promettait d'être un instant magique.
Et magie il y a eu. Jay et ses camarades ont mis leur public en état d'apesanteur. A l'instar des images projetées sur les murs, la musique de Jay ondule, et emporte l'auditeur telle une douce vague sur le sable tandis que le hammered dulcimer égrenne ses notes comme des gouttes de pluie. Mais oui, tout à fait, il y a de l'eau dans la musique de Trippers & Askers.
La douceur des compositions et les arpèges de guitares évoque une tournure folk à laquelle on aurait cependant tort de se fier. Les instrus sont recherchées, contrebasse, batterie, hammered dulcimer forment des nappes venant s'envelopper les unes les autres avec ça et là, d'infimes et subtiles ruptures de rythmes venant faire tressailler l'apparente harmonie de l'ensemble. Le garçon a longuement étudié le jazz, et ne l'a pas oublié.
Alors peut-être pas le concert idéal pour booster les énergies un samedi soir, mais la bande son idéale d'un moment d'évasion.
Jay Hammond a, comme tant d'autres, trouvé l'inspiration à Brooklyn, NY. Il y a aussi trouvé un label, Outlaws of the Border, qui devrait bientôt faire parler de lui dans nos contrées. Pourquoi ? Parce qu'Outlaws of the Border est une structure hybride fondée par un Français, Gautier, et son épouse américaine. Parce qu'Outlaws of the Border est aussi une marque de vêtements branchés, et fait d'autres choses encore mais ça devient compliqué à expliquer. Parce qu'Outlaws of the Border a également pris sous son aile de prometteurs groupes français : Monsieur Morphée (électro dark, tendance indus), et surtout Sally Jenko (rock, tendance TV On The Radio).
Et pour les assoiffés d'informations:
- le myspace du frère de Jay, Michael, qui joue lui aussi une pop folk aérienne (Summer Brooklyn), mais qui semble s'intéresser de près aux techniques électroniques (Princeton Laptop Orchestra, anyone?)
- le myspace d'Oaken A, duo formé de, oh surprise, Jay et Michael Hammond, qui confirme l'assertion ci-dessus, et mêle harmonieusement musique analogique et électronique.
- le myspace d'un autre groupe new-yorkais signé Ootb, le tout doux Lark & Sorrel, petites soeurs de The Innocent Mission tendance Au Revoir Simone
- un bel article de Time Out NYC sur la collection Outlaws of the Border
"Trippers and askers surround me, People I meet, the effect upon me of my early life or the ward and city I live in, or the nation, The latest dates, discoveries, inventions, societies, authors old and new, My dinner, dress, associates, looks, compliments, dues, The real or fancied indifference of some man or woman I love, The sickness of one of my folks or of myself, or ill-doing or loss or lack of money, or depressions or exaltations, Battles, the horrors of fratricidal war, the fever of doubtful news, the fitful events; These come to me days and nights and go from me again, But they are not the Me myself. Apart from the pulling and hauling stands what I am, Stands amused, complacent, compassionating, idle, unitary, Looks down, is erect, or bends an arm on an impalpable certain rest, Looking with side-curved head curious what will come next, Both in and out of the game and watching and wondering at it. Backward I see in my own days where I sweated through fog with linguists and contenders, I have no mockings or arguments, I witness and wait. " — Walt Whitman (Song of Myself)
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